
Chapitre 58
其政闷闷,其民淳淳。其政察察,其民缺缺。
祸兮福之所倚,福兮祸之所伏。孰知其极?其无正也。正复为奇,善复为妖。人之迷,其日固久。
是以圣人方而不割,廉而不刿,直而不肆,光而不耀。
Traduction de S.J. revisitée par Paris Lao Tang
Lorsque l'administration est tolérante, le peuple devient simple et sobre.
Lorsque l'administration est sévère, le peuple devient rusé.
Le bonheur côtoie le malheur, le malheur est caché au sein du bonheur. Qui peut en prévoir le dénouement ? Il n’y a pas de règle.
Les hommes droits deviennent trompeurs, et les hommes vertueux, démons.
Les hommes sont plongés dans le doute, et cela dure depuis bien longtemps !
C'est pourquoi le Saint est juste et ne blesse pas le peuple.
Il est désintéressé mais ne fait pas de tort à autrui.
Il est franc mais n’offense personne.
Il est éclairé mais n'éblouit personne.
Traduction de Stanislas Julien (1842)
Lorsque l'administration (paraît) dépourvue de lumières, le peuple devient riche.
Lorsque l'administration est clairvoyante le peuple manque de tout.
Le bonheur naît du malheur, le malheur est caché au sein du bonheur. Qui peut en prévoir la fin ?
Si le prince n'est pas droit, les hommes droits deviendront trompeurs, et les hommes vertueux, pervers.
Les hommes sont plongés dans l'erreur, et cela dure depuis bien longtemps !
C'est pourquoi le Saint est juste et ne blesse pas (le peuple).
Il est désintéressé et ne lui fait pas de tort.
Il est droit et ne le redresse pas.
Il est éclairé et ne l'éblouit pas.
Commentaire de Paris Lao Tang sur la traduction de Stanislas Julien (1842)
SJ n’aurait sans doute pas compris le sens des mots闷闷,淳淳, 察察,缺缺, et cela aurait conduire à de contre-sens dans la version traduite.
"迷" dans "人之迷" peut être compris comme "erreur". Mais si on prend son sens propre "doute", cela correspondrait mieux au sens du texte : Lao Zi parle en effet des cas de changement d’une extrémité à une autre. Ces changements ne sont pas forcément dus à des erreurs, mais à une règle inconnue. Les gens se sentent donc un peu perdus.