
Chapitre 38
上德不德,是以有德;下德不失德,是以无德。
上德无为而无以为。下德无为而有以为。上仁为之而无以为。上义为之而有以为。上礼为之而莫之应,则攘臂而扔之。
故失道而后德,失德而后仁,失仁而后义,失义而后礼。夫礼者,忠信之薄,而乱之首。
前识者,道之华,而愚之始。是以大丈夫处其厚,不居其薄;处其实,不居其华。故去彼取此。
Traduction de S.J. revisitée par Paris Lao Tang
Les hommes d'une vertu supérieure n’exhibent pas leur vertu ; c'est pourquoi ils ont de la vertu.
Les hommes d'une vertu inférieure exhibent leur vertu ; c'est pourquoi ils n'ont point de vertu.
Les hommes d'une vertu supérieure pratiquent "Wuwei" (Non-contraindre) sans y songer.
Les hommes d'une vertu inférieure pratiquent "Wuwei" avec intention.
Les hommes d'une humanité supérieure pratiquent "Youwei" (Contraindre) sans intention.
Les hommes d'une équité supérieure pratiquent "Youwei" avec intention.
Les hommes réclamant la discipline supérieure pratiquent "Youwei" et personne n'y répond ; alors ils emploient la violence pour forcer l’obéissance.
C'est pourquoi l'on réclame de la vertu après avoir perdu le Tao ; de l'humanité après avoir perdu la vertu ; de l'équité après avoir perdu l'humanité ; de la discipline après avoir perdu l'équité.
L’exigence de la discipline n'est que la conséquence du déclin de la loyauté et de la sincérité; c'est la source du désordre.
La voyance ne saisit que la fausse apparence du Tao et c’est le début de l'ignorance.
C'est pourquoi un grand homme s’appuie sur le solide (du Tao) et non le superficiel (du Tao).
Il estime la substance et laisse l’apparence.
C'est pourquoi il rejette l'une et adopte l'autre.
Traduction de Stanislas Julien (1842)
Les hommes d'une vertu supérieure ignorent leur vertu ; c'est pourquoi ils ont de la vertu.
Les hommes d'une vertu inférieure n'oublient pas leur vertu ; c'est pourquoi ils n'ont point de vertu.
Les hommes d'une vertu supérieure la pratiquent sans y songer.
Les hommes d'une vertu inférieure la pratiquent avec intention.
Les hommes d'une humanité supérieure la pratiquent sans y songer.
Les hommes d'une équité supérieure la pratiquent avec intention.
Les hommes d'une urbanité supérieure la pratiquent et personne n'y répond ; alors ils emploient la violence pour qu'on les paye de retour.
C'est pourquoi l'on a de la vertu après avoir perdu le Tao ; de l'humanité après avoir perdu la vertu ; de l'équité après avoir perdu l'humanité ; de l'urbanité après avoir perdu l'équité.
L'urbanité n'est que l'écorce de la droiture et de la sincérité ; c'est la source du désordre.
Le faux savoir n'est que la fleur du Tao et le principe de l'ignorance.
C'est pourquoi un grand homme s'attache au solide et laisse le superficiel.
Il estime le fruit et laisse la fleur.
C'est pourquoi il rejette l'une et adopte l'autre.
Commentaire de Paris Lao Tang sur la traduction de Stanislas Julien (1842)
• Concernant la méthode "Non-contraindre", voir discussion sur Youwei et Wuwei au chapitre 2.
• Il y a des écarts assez importants dans l’interprétation. L’homme vertueux n’ignore pas la vertu, mais simplement il la pratique de façon naturelle sans y prêter attention. Je préfère donc le verbe "ne pas exhiber" à la place d’ignorance.
• "上德无为而无以为" parle explicitement de pratique "无为" (ou "Wuwei" comme au chapitre 2). SJ parle simplement "Les hommes … la pratiquent", mais qu’indique-t-il par "la" ici ? Je l’ai donc précisé avec "Wuwei".
• Le mot "礼" dans l’antiquité, ne veut pas dire la politesse comme aujourd’hui, mais les codes et lois qui règlent ou "normalisent" le comportement du peuple et punissent les déviances. Ceux qui prônent "礼" veulent en fait renforcer la loi et le contrôle et utiliser la manière forte, que Lao Zi voit d’un très mauvais œil, et le considère comme l’inverse de la manière douce et la source de désordres.
• "前识者" veut dire littéralement "les voyants". La traduire par "la voyance" serait plus pertinent que par "le faux savoir".
• Le mot "华" dans "道之华" signifie la partie superficielle du Tao, sa partie apparente. Je préfère utiliser directement le mot superficiel plutôt que "fleur", car une fleur peut être substantielle dans certaines situations (par exemple lorsqu’on offre une fleur à son amoureux).